#Breuvages #LaUne

Chroniques du vin et des vignobles : Tavel

Parlons un peu de Tavel

S’il y bien un choix délicat lors d’une invitation de repas au grand air, c’est bien le vin. Du cubi, rapporté de vacances aux cuvées spéciales qui finissent leur maturation sous 40c° à l’ombre à la faveur des plages arrière de voitures surchargées, mon cœur a souvent balancé, mon estomac aussi d’ailleurs.

tavel vignesLongtemps resté la pierre angulaire des déjeuners sur l’herbe et des réunions pain saucisse bobo, le rosé de Provence a bercé nos nuits éthyliques de désœuvrement estival, les diarrhées verbales à bâton rompu préfaçant celles du matin où les regards hagards se croisent et les sourires se font confus, le rouleau de triple épaisseur à la main et la serviette sous le bras.
Il faut reconnaître que ces breuvages apparemment inoffensifs, s’ils invitent à la consommation, annoncent pratiquement à coup sûr une gueule de bois mémorable et des relents acides intolérables aux premiers rayons de Phébus jusqu’au zénith, heure sacrée du début d’un nouveau cycle de gavage de sulfites.

Pour ma part, j’ai longtemps pensé que les rosés n’étaient que des vins ingrats, réservés aux dilettantes de piscines surchlorées, aux gargantuas de barbecue de campings, aux jeunes filles en fleurs qui finissent les soirées fesses sur les talons et la tête entre les mains.

Puis un soir, je fus invité à la table d’un couple d’amis arlésien. Prudent, je pris la responsabilité du digestif et des bières, belgitude assumée est à moitié pardonnée dit-on. Mon hôtesse avait choisi de préparer quelques poissons grillés farcis aux petits légumes, le parfum des saveurs donnèrent très vite le ton de cette soirée sans la moindre brise. Je ne fus pas surpris de voir son compagnon ouvrir quelques bouteilles de rosé, je fus par ailleurs étonné de ne pas voir les flacons perler sur la nappe immaculée, sans glace? Sans refroidisseur? Voilà qui me sembla peu orthodoxe. Il me  proposa courtoisement de goûter, avec un rictus narquois, j’acceptais de me plier à l’exercice qui me sembla inopportun…un ange passa, la magie opéra.

tavel modoreeLe premier Tavel est une révélation pour les non initiés, la puissance de la Syrah, le velouté du Grenache, le corsé des fruits rouges conférant au vin cette robe rubis intense sans égal, reconnaissable au premier coup d’œil. Le premier nez m’envoûta, le second me chavira, la première gorgée explosa littéralement dans ma bouche, libérant toute la complexité des saveurs promises, je fus bluffé, mon rictus fit place à un large sourire que mon sommelier d’un soir me rendit d’un air entendu.

La ligne du repas se fit au rythme des bouteilles qui défilaient 2010-2012-2013, oui le vin se garde  et se bonifie dans les cinq ans, encore un préjugé qui s’effondre.

Le lendemain fut aussi émaillé de regards hagards reconnaissons-le, pourtant, je fis sans la moindre aigreur honneur au petit déjeuner de mes pygmalions d’un soir sous les cieux azur de la vallée du Rhône.

Vous aimerez également

Pas de commentaires

Poster un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.